Date of composition 2005

Length 12 minutes

Da Roma témoigne des recherches que je menais en 2004 sur la notion de processus. Ecrite à la Villa Médicis, cette pièce fait suite au Cycle des gris pour orchestre sur instruments anciens ou encore aux Fées pour quatuor à cordes, oeuvres dans lesquelles j’ai tenté de construire un discours plus continu, moins fondé sur la rupture qu’auparavant. Si j’ai privilégié dans mon travail la confrontation entre des idées musicales antagonistes, je tente depuis peu d’introduire dans mon langage, toujours fondé sur l’énergie, l’idée de la transformation progressive d’éléments musicaux. C’est de la déformation progressive de la matière que naît le discours.
Le premier élément de l’oeuvre est un ostinato très lent du piano, un accord consonant répété et varié, sonnant comme un glas sur lequel les autres instruments agissent comme des ornementateurs. Les échappées mélodiques de la clarinette ou de l’alto occupent alors le premier plan, jusqu’à donner naissance à une idée plus instable qui supplante l’ostinato initial. Cette idée oppose un accord dans le registre grave et des arpèges descendants qui, bien que de plus en plus fréquents, laisseront la place à la répétition de l’accord qui leur est opposé, dans des transpositions progressives dans l’aigu. Pour rompre la périodicité de cet accord, une vague descendante fait son apparition, et à son tour, vient voler la vedette à l’idée précédente. Cette vague répétée est raréfiée progressivement, jusqu’à donner naissance à une pulsation régulière, contrariée par une pulsation plus rapide qui s’impose, elle-même contrariée par une pulsation plus rapide… Afin de sortir de cette logique de jeu de cache-cache entre les idées musicales, la section suivante s’impose par la rupture, et réintroduit l’harmonie du glas initial. La clarinette, dans un solo déchiré et disjoint, puis l’alto seul, réintroduisant un ostinato, prennent la parole pour conclure la pièce dans le recueillement.
Da Roma, commande des éditions EMC, est avant tout un hommage à trois musiciens, tous membres de l’Ensemble intercontemporain, qui m’accompagnent régulièrement depuis quelques années, et qui ont fondé le trio Modulations : Odile Auboin, Hidéki Nagano, et Alain Billard.

Bruno Mantovani